Mont Saint-Michel


Rétablissement du caractère maritime du Mont-Saint-Michel

Par Pierre-Jean Blanchet

Le projet :
Le Mont-Saint-Michel est érigé dans une baie aux paysages et aux écosystèmes remarquables. Ce site, d’une rare beauté, est consacré par une double inscription sur la liste du patrimoine mondial de l’Unesco et demeure le principal élément d’attractivité du sud-Manche. La prouesse architecturale et l’exceptionnelle harmonie avec la baie, voulue par ses fondateurs, sont intemporelles. Cette dimension exceptionnelle fonde sa renommée internationale. L’opération de rétablissement du caractère maritime du Mont-Saint-Michel vise à mettre en œuvre les moyens d’assurer la restauration du paysage maritime autour du Mont-Saint-Michel.

Deux objectifs majeurs guident cette opération :
- Revaloriser l’accueil et l’approche des visiteurs en rendant à la marée l’espace proche du Mont par la suppression du parking installé sur les grèves et la digue route qui vient buter contre les remparts. Le cheminement pédestre ou à bord de navettes, voulu par ses concepteurs, s’apparentera à une «traversée» dans l’esprit des pèlerinages d’autrefois.
- Requalifier le site en restaurant ce grand paysage. Si le phénomène d’ensablement de la baie est naturel (20 à 25 ha d’herbus supplémentaires par an), la main de l’homme a accéléré le processus au pied du Mont depuis le XIXème siècle (polders, digues...). L’objectif ne prétend à rien de moins que de rétablir et pérenniser le caractère maritime du Mont en pourtour (1 à 2 km autour du rocher).
Les experts internationaux étaient formels : à l’horizon 2040, si rien n’était entrepris, le Mont-Saint-Michel s’ensablerait irrémédiablement et serait entouré de prés salés. Cette transformation bouleverserait de façon irréversible l’esprit du lieu voulu par les bâtisseurs de l’abbaye.
Pour éviter cela, un nouveau barrage utilise depuis 2009 la force des eaux mêlées de la marée et du fleuve. Les résultats sont déjà perceptibles autour du Mont. Le curage du lit du Couesnon et la remise en eau de l’anse de Moidrey viendront augmenter la capacité hydraulique du fleuve et la puissance des chasses régulées.
Les ouvrages d’accueil (parc de stationnement paysager, bâtiments d’accueil et de services) et d’accès au Mont (pont-passerelle et digue-route) permettront de renouveler totalement l’approche du rocher. Les aménagements hydrauliques à l’amont et à l’aval du barrage redonneront au Couesnon sa capacité hydraulique pour déplacer les sédiments loin du rocher.  Le nouveau parc de stationnement sur le continent et les navettes de transport public seront mis en service pour amener les visiteurs au Mont. Le pont-passerelle sera ouvert aux visiteurs, piétons et navettes mais aussi à la logistique (hors période de fréquentation importante) et aux services de sécurité permanente du Mont. Cette reconquête des grèves imposera également de restituer à la nature les 15 hectares du parking maritime actuel mais aussi la digue-route qui relie l’îlot rocheux au continent et bloque les courants de marée depuis plus de 130 ans. Il faudra encore quelques années pour que se forme un large espace de grèves autour du rocher et que le Mont retrouve la plénitude de son paysage maritime pour longtemps.

Remarques sur le «parcours de découverte»
Tous s’accordent à reconnaître le bien-fondé de cette initiative qui permettra de préserver ce trésor de l’humanité pour les générations à venir. Cela dit, reste un aspect de ce projet qui peut susciter quelques interrogations: Il s’agit du nouveau «parcours de découverte» afin de retrouver l’esprit d’une traversée d’autrefois, que d’autres ont appelé: la «démarche pèlerine».
Le parc de stationnement, avec ses 4000 places de stationnement et de nouveaux services d’accueil et d’informations, sera placé en retrait du Mont sur le continent (2,5 km).
Une fois leur véhicule déposé, les visiteurs seront ainsi guidés au Centre d’Informations Touristiques, puis vers des cheminements piétonniers ouvrant des perspectives sur les paysages avoisinants et la célèbre silhouette du Mont et de l’abbaye. Tous rejoindront le barrage et la place des navettes, situés à 750 mètres. À pied, à cheval ou en navettes, les visiteurs emprunteront ensuite la nouvelle digue-route (1085 mètres), prolongée par un pont-passerelle (760 mètres) qui viendra se poser, au bout de cette traversée, sur un terre-plein au pied des remparts surmonté d’un gué submersible. Il permettra de passer les 120 derniers mètres séparant le pont-passerelle de la porte de l’Avancée.  On peut comprendre que les concepteurs aient souhaité des ouvrages les plus discrets possibles dans le paysage. Ils ont privilégié, en ce sens, les cheminements piétonniers et réduit ainsi les parcours effectués par les navettes, leur nombre par la même occasion et l’emprise des voies nécessaires à leur fonctionnement.
Cependant le parcours à pied que devront emprunter les visiteurs - du parking à la place des navettes et ensuite pour accéder au Mont -  pourrait en décourager plus d’un. Le tourisme de masse fait que le temps consacré à une visite d’un tel site est forcément limité. Compte-tenu du temps «moyen» que consacre chaque visiteur à à la visite du Mont, ne faut-il pas redouter un redéploiement du temps du visiteur qui s’attardera dans le secteur de la caserne (entre le parking et le place des navettes) au détriment d’une «ascension» à l’abbaye, auquel cas nous pouvons nous poser quelques questions sur la démarche pèlerine tant souhaitée! Plus généralement, prendre le temps d’apprécier le spectacle de la nature sur ces espaces reconquis est une bonne chose en soi... pour ceux qui le souhaitent, mais faisons en sorte que les visiteurs puissent aussi avoir la possibilité d’élargir leur choix dans l’exploration du Mont et de ses alentours (la Baie mérite également un détour). Encore faut-il leur offrir les moyens d’y parvenir dans le temps qui leur est imparti (avec un parcours assuré par les navettes en conséquence).


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