Stratégie de défense contre la
mer - par Pierre Troude
Constat :
Du «trait de
côte»[i] à la «frange côtière», le changement n’est pas de pure terminologie.
Avec les 330 kilomètres de son liseré côtier, le
Département de la Manche a fait l’objet de nombreuses études depuis une
vingtaine d’années.
Deux réseaux de repères ont été mis en place pour
mesurer une double évolution :
- d’une
part, celle de la « planimétrie » du trait de côte, matérialisé par la limite
de la « végétation vivace », ou de la « micro-falaise dunaire » ;
-
d’autre part, celle de « l’altimétrie des plages », en mesurant les
variations du niveau des sables à partir de bornes placées en haut des plages.
Le recul ou l’avancée du trait de côte a donc pu,
pendant toute cette période être mesuré sur plus de 100 sites, et l’évolution
altimétrique des plages sur 107 sites. Désormais, à partir des données ainsi
recueillies et des évolutions constatées, une double action s’avère
indispensable :
- Pour
le trait de côte, l’ajustement du degré de vulnérabilité de certaines zones
menacées et, de ce fait, la détermination des priorités de travaux de défense
contre la mer en fonction de leur efficacité par rapport à cette évolution ;
- Pour
l’érosion des plages, souvent accélérée par des extractions inconsidérées, un
contrôle global et rigoureux, de l’évolution des plages est également
indispensable, pour déterminer la réalisation des futurs travaux de défense contre la mer.
Perspectives
Le quotidien Ouest France publiait le 10 novembre
dernier les propos de M. Alain Cousin, alors député de la Manche, sous le titre
« Erosion : pas de digues partout ». L’article retrace les grandes lignes du
rapport remis à Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, alors Ministre de l’Ecologie et
du Développement durable. Ce rapport intitulé « Propositions pour une stratégie
nationale de gestion du trait de côte, du recul stratégique et de la défense
contre la mer, partagée entre l’État et les collectivités territoriales » se
concluait autour des axes suivants :
1/ Développer un système d’observation pérenne du «
phénomène physique », de ses conséquences et des différents dispositifs de
défense;
2/ Préparer la méthodologie de projets de territoire
sur les périmètres pertinents pour intégrer, lorsque cela s’avèrera approprié,
des solutions de « recul stratégique »;
3/ Tirer un bilan des méthodes de lutte contre
l’érosion et en particulier des dispositifs innovants et capitaliser les
démarches de référence et innovantes utilisées à l’étranger (exemple du port
d’Anvers) et leur retour d’expérience.
Les discussions au sein du groupe de travail ont
démontré la nécessité d’envisager la gestion du trait de côte de manière
globale dans une perspective d’aménagement durable du territoire. La fragilité des écosystèmes côtiers, la
pression démographique sur le littoral et la multiplication des enjeux situés à
cette intersection entre la terre et la mer sont des dimensions à prendre en
compte de manière transversale.
Le rapport soulignait aussi la nécessité de faire
évoluer le vocabulaire.
- Il sera plus opportun de parler de « frange côtière
» plutôt que de « trait de côte ». En effet, la frange côtière constitue un
espace géographique plus large que le trait de côte et intègre une réflexion
plus globale. « Du côté de la terre », il s’agira de tenir compte de la
géographie, de l’histoire et de la démographie des espaces littoraux. « Du côté
de la mer », la notion de frange côtière intègrera la dimension des phénomènes
marins pouvant impacter le trait de côté : houle, courants et vents.
- L’expression « recul stratégique » pourra également
laisser la place au terme de « relocalisation des activités et des biens »,
plus parlant lorsqu’il s’agit d’évoquer la démarche dans une dynamique de
recomposition territoriale.
En effet, si l’on peut admettre la relocalisation de
tel ou tel «cabanon», il sera beaucoup plus difficile de déplacer une zone
d’activité maritime. Ainsi les territoires sur lesquels la conchyliculture est
très présente doivent faire l’objet d’une approche globale. Certaines zones
d’activités maritimes nécessitent la proximité des eaux littorales. C’est le
cas de Blainville-sur-Mer, de Saint-Jean-Le-Thomas et de Dragey. Pour ces
secteurs, il faut également prendre en compte les éléments économiques pour ne
pas détruire aveuglément tout une partie de notre bassin d’emplois liés aux
produits de la mer.
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[i] Le
trait de côte se définit comme la courbe de niveau à l’intersection de la terre
et de la mer lors d’une marée haute (coefficient 120) avec des conditions
météorologiques normales
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Le parc naturel marin - Par Pierre-Jean Blanchet
Constat :
Une procédure d’étude et de
création d’un parc naturel marin dans le golfe normano-breton (côtes des
départements des Côtes d’Armor, de l’Ile et Vilaine et de la Manche, îles
anglo-normandes de Jersey et Guernesey) a été engagée avec l’appui de
l’Agence des aires marines protégées.
L’objectif de cette mission de
concertation et d’étude est de définir, pour fin 2012, avec les acteurs
concernés, ce que pourrait être le futur parc marin en proposant, sur la base
d’un état des lieux complet:
- un périmètre pertinent du futur
parc ;
- des orientations de gestion
dont découleront les actions du plan gestion du parc ;
- la composition d’un conseil de
gestion, organe de décision du parc.
L’objectif est contribuer à la
protection et à la connaissance du patrimoine marin et de promouvoir le
développement durable des activités liées à la mer. Un état des
connaissances des écosystèmes et des espèces marines, des oiseaux, de la qualité
des eaux, a été réalisé. Des démarches de protection et de gestion du milieu
marin existent déjà : réserves naturelles, sites protégés par la convention
RAMSAR (Convention relative aux zones humides d’importance internationale), ZPS
(Zones de Protection Spéciales), zones Natura 2000 en mer, espaces
remarquables, actions du conservatoire du littoral... Cependant des questions
subsistent : ces mesures seront-elles intégrées au dispositif du parc
marin en cours de discussion ou viendront-elles se superposer et s’imposer
comme des contraintes préalables à la concertation? Les acteurs locaux ont besoin
d’obtenir des réponses à ces questions.
Les usages de l’espace
maritime ont été identifiés et concernent :
- la pêche professionnelle:
une pêche essentiellement côtière dans un contexte difficile (âge de la
flottille, espace de pêche convoité, prix du gazole…) La politique européenne
qui favorise la pêche industrielle semble inappropriée au maintien de la pêche
artisanale.
- la conchyliculture : une zone
de production majeure confrontée au durcissement des règles sanitaires et à la
problématique de la mortalité des huitres.
- le trafic maritime et les ports
: un trafic important avec les îles anglo-normandes et le sud de l’Angleterre,
avec des activités structurantes pour l’arrière-pays.
l’énergie: un potentiel important
pour l’éolien et l’hydrolien
les granulats marins :
réorientation à venir de l’exploitation du maërl vers d’autres sables
coquilliers.
le tourisme : des points
d’intérêt phare liés au patrimoine culturel (Mont-Saint- Michel) à la
qualité des paysages et des activités nautiques et balnéaires.
la pêche à pied et la pêche
embarquée récréative: un phénomène social et un poids économique mal évalué
(fréquentation et pratiques).
les activités nautiques et la
plaisance: un bassin de croisière très prisé, des structures portuaires
saturées et des problèmes croissants d’accès.
Les données sur la chasse et le
pastoralisme (prés salés) sont en cours d’acquisition.
Perspectives :
La lourde tâche du Parc Marin
sera d’asseoir une vision globale des problématiques maritimes, aujourd’hui
encore traitées sectoriellement. Les conditions d’instauration de cette vision
globale sont :
- Un périmètre de parc cohérent,
basé sur une identité écologique et économique intégrant les havres et baies et
impliquer le anglo-normandes.
- Une connaissance approfondie de
la fonctionnalité des milieux marins: des connaissances scientifiques seront
acquises pour asseoir des préconisations et avis sur une approche éco
systémique.
- une articulation avec les
politiques terrestres en faveur d’une gestion efficace et continue de la terre
vers le large.
- un positionnement du parc comme
un levier en matière de développement local et pas seulement de protection (il
ne faudrait pas compromettre les ressources économiques générées par un tel
espace maritime).
Cela passe par un équilibre dans
la représentation des partenaires dans le conseil de gestion du Parc qui aura
pouvoir de décision: hormis la présence des élus locaux qui est essentielle et
qui doit être prépondérante dans cette instance, aucune des autres catégories ne
doit être surreprésentée (Etat, professionnels de la mer, usagers, associations
de protections de la nature, experts...). Chaque catégorie des usagers de la
mer doit pouvoir prendre parti dans le processus de décision inhérente au
développement du parc marin.
Ainsi, les objectifs de tous les acteurs du parc marin doivent
être pris en compte : pêcheurs, plaisanciers, transporteurs maritimes,
exploitants de la conchyliculture.
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