Mieux vivre sur notre territoire

Comment vivre mieux sur un territoire que nous pouvons encore arpenter ?
par Jean-Paul Voisin
Le contexte
Après la décentralisation des pouvoirs, l’heure est à la réorganisation afin, notamment, de valoriser les relations entre les communes et les communautés de communes, entre le département et la région. Dans cette démarche la clarification des compétences constitue un des objectifs à atteindre.
Mais avant de se poser des questions, il convient de cibler le territoire à partir duquel nous souhaitons examiner la situation.
La Manche a la particularité d’occuper un espace vertical. Ainsi, les pôles d’attraction ne sont pas les mêmes selon que l’on habite à Cherbourg ou à Avranches. Devant cette situation il apparaît logique de dénombrer, au moins, trois territoires clairement identifiés dans le département. Il s’agit : des pays du Cotentin, du pays Saint Lois et des pays de la baie du Mont-Saint-Michel. Ces ensembles, reconnus dans le cadre d’un schéma de cohérence territoriale, semblent représenter le niveau pertinent auquel nous pouvons tenter d’analyser la situation.
Au plan économique et dans la répartition des couches de la population, les pays de la baie du Mont-Saint-Michel sont fortement influencés par la présence de l’autoroute A84; elle permet d’atteindre une arrivée sans arrêt en cours de route si ce n’est par nécessité. Devant ce constat les collectivités locales pour demeurer attractives se doivent de réagir en faisant preuve d’initiatives, d’ingéniosités et de solidarité.
Le Sud Manche possède un riche littoral dont le Mont-Saint-Michel est l’emblème. La présence de l’autoroute des estuaires en parallèle avec un espace maritime très fréquenté ont participé à la l’évolution de deux grandes villes ; Avranches et Granville.
Cette réalité est en grande partie à l’origine de l’existence de deux secteurs dans le territoire du Sud Manche. Schématiquement, l’un se situe sur l’axe Granville, Villedieu-les-Poêles, Avranches et Saint-Hilaire-Du-Harcouët, l’autre entre Sourdeval, Juvigny-le-Tertre, Mortain, Barenton et Le Teilleul.
Ces secteurs ressemblent à deux croissants dont l’un serait plus "doré " que l’autre. L’objectif relevé notamment dans le schéma de cohérence territorial n’est pas de les opposer, mais de les rééquilibrer.
Certes, chacun a bien conscience de cette réalité. Il n’était cependant pas inutile, de rappeler le contexte dans lequel nous pouvons tenter d’examiner la possibilité d’améliorer le présent et de préparer l’avenir.
La démocratie et l’exercice de la citoyenneté nous conduisent à œuvrer pour tenter de conjuguer la verticalité du pouvoir avec la transversalité des activités.
Afin d’examiner ensemble une démarche à partir d’un réseau de proximité (ou transversale) de quel potentiel disposons-nous :
- De la Baie avec son Mont-Saint-Michel, son Port et ses Collines.
- D’un schéma de cohérence territorial établissant un diagnostic précis de la situation et des objectifs à atteindre.
- D’acteurs et de moyens matériels à mutualiser et à répartir afin de mieux satisfaire l’ensemble des besoins des territoires du Sud Manche.
- De la possibilité d’adopter une référence commune admise, partagée permettant d’agir ensemble et en complémentarité.
- D’un agrandissement des communautés de communes par fusions des actuelles C.C.
Sans vouloir aborder tous ces thèmes, cela a déjà été très bien fait dans les cahiers de Sud MancheAvenir, arrêtons-nous sur certains points.
L’identification des acteurs et de leurs missions.
À l’évidence, dans bien des domaines les besoins sont couverts par différentes organisations :
- Services du Conseil général et de la préfecture
- Zones administratives
- Associations diverses
- Activités liées aux moyens de grandes agglomérations comme Avranches, Granville et Saint-Hilaire-Du-Harcouët
- Structures professionnelles
- Organisations territoriales, prolongeant l’action et la réflexion d’une voire de plusieurs communautés de communes...
C’est certainement pour cette raison que les organismes dont le rôle est d’examiner la situation sur un territoire comme celui des pays de la Baie du Mont-Saint-Michel estiment que les moyens humains et matériels s’avèrent globalement suffisants, tout en soulignant les carences liées à la répartition et au manque de coordination de ceux-ci.
Il faut bien l’avouer, nos structures ressemblent à des tuyaux d’orgue notamment parce qu’elles se trouvent sous des tutelles différentes.
Mais il ne faudrait pas interpréter cette constatation comme une possible atteinte aux missions de chacun. Le fait de participer à une démarche commune ne remet pas en cause les domaines de compétence ; au contraire, elle les élargit.
Si nous arrivons à faire travailler ensemble, à partir d’un objectif commun, les réseaux de proximité avec les professionnels et les professionnels entre eux, nous aurons franchi une étape importante.
La référence commune admise et partagée propre à l’ensemble des habitants en prise avec la "vraie vie" semble se situer sur une échelle géographique.
En premier lieu se trouve l’élu qui connaît le mieux ses administrés : le Maire. Pour cette raison il se situe à la base du dispositif.
Ses domaines d’interventions sont multiples auprès :
- Des familles de sa commune pour information, tenter une médiation, proposer des solutions
- Des établissements d’enseignement
- Du procureur de la République
- D’un juge
- Du Président du conseil général
- De l’organisme débiteur des prestations familiales
- D’un pôle emploi
- Des forces chargées de faire appliquer la loi
- De la communauté de Communes…
Il faut rendre hommage aux Maires qui au quotidien œuvrent pour éviter le déclin du secteur dont ils ont la responsabilité. Certains ont usé de leur influence pour empêcher la fermeture des derniers commerces. Le maintien d’un café-restaurant ou d’une boulangerie-pâtisserie participe incontestablement à la vie sociale de la commune. Il s’agit là de la "petite histoire" mais elle conditionne, à son échelle, la qualité de l’existence dans une parcelle du Sud Manche. Sans verser dans la nostalgie, il semble souhaitable de retenir les leçons du passé, de conserver ce qui apparaît comme essentiel et de se tourner résolument vers l’avenir en prenant à bras le corps notre destin. Entre le tout attendre et le rien attendre de ce qui vient comme "d’en haut ", il nous faut trouver un juste milieu. Une porte s’ouvre, affichons notre volonté de la franchir ensemble avant qu’elle ne se referme.
Ensemble nous pouvons tordre le cou à l’affirmation selon laquelle on obtient de meilleurs résultats en imposant des réformes plutôt qu’en offrant la possibilité de les négocier.
Les communautés de communes à venir seront sans conteste le regroupement permettant de peser sur les décisions, elles engageront l’avenir de plusieurs milliers d’habitants.
Aussi, il importe dès à présent que les citoyens expriment directement leurs souhaits sur ce sujet.
Tout le monde doit admettre que l’aboutissement d’un projet nécessite la mise en place d’un système qui tend, par une action globale, à remettre en question le cloisonnement et la hiérarchie des disciplines.
Si l’articulation Commune, Communauté de Communes, Territoire devait effectivement voir le jour, en complément il apparaîtrait indispensable de créer des passerelles entre les réseaux de proximité, les professionnels et entre professionnels entre eux. Il ne s’agit pas d’une mission impossible, mais la tâche demeure ardue et nécessite l’implication de personnalités importantes.
À noter que l’arrêté préfectoral portant établissement du schéma départemental de coopération intercommunale, applicable, théoriquement, dans environ 14 mois, prévoit dans les territoires de la baie du Mont-Saint-Michel la fusion de Villedieu les Poêles et Saint-Pois avec Percy. Il suggère également de fusionner Brécey et le Tertre.
Ainsi, ce qui pourrait être appréhendé comme un instrument de synthèse occulterait d’un trait de plume l’histoire, les relations voire peut-être en partie l’intérêt des populations concernées.
Sur la base de ces propositions, on est en droit de s’interroger :
Pourquoi la C.C. de Percy ferait-elle partie des Pays de la baie du Mont-Saint-Michel ? Il semblerait que La Colombe en soit le prétexte, espérons restera un symbole de la paix.
Pourquoi la C.C. de Juvigny-le-Tertre serait-elle dissociée du Mortainais ?
Depuis quand la C.C. de Brécey n’est plus un élément du Pays Sourdin ?
Il faut espérer que bon nombre de citoyens se posent les mêmes questions et souhaitent obtenir des réponses acceptables !
De surcroit, une communauté de communes regroupant les actuelles C.C. de Sourdeval, Mortain, Juvigny-le-Tertre, Barenton, Le Teilleul semble cohérente et posséder le poids nécessaire pour être entendue. Ce serait des plus utiles, dans un secteur où la part des personnes de plus de 60 ans est majoritairement supérieure à 30% et la précarité très présente.
Avant d’en arriver au niveau départemental ou régional, la référence commune et partagée la plus juste s’appuie donc sur les communes, les communautés de communes et l’organisation fédérant les territoires du Mont-Saint-Michel. Il s’agit d’une structure lisible où toute une population peut se retrouver en vrai et non seulement en théorie.
Le réseau routier
La place du transport est prioritaire, vouloir revitaliser l’activité économique sans aménager un réseau routier à la hauteur des enjeux ne serait que pure utopie.
Le Réseau routier structurant comporte :
Sur un axe Nord-Sud, les liaisons Granville_Avranches_Pontorson,
La Haye-Pesnel_Avranches_Pontorson, Villedieu-les Poêles_Avranches_Pontorson, Villedieu-les-Poêles_Brécey_Saint-Hilaire-Du-Hacouët, Sourdeval Mortain Saint-Hilaire-Du-Harcouët et Mortain Barenton.
Sur un axe Ouest-Est, les liaisons Granville Villedieu-les-Poêles, Avranches Brécey Sourdeval, Avranches Juvigny-le-Tertre Mortain, Avranches Ducey Saint-
Hilaire-Du-Harcouët Le Teilleul et Saint-Hilaire-Du-Harcouët Mortain Barenton.
On peut s’étonner que la route allant de Villedieu-les-Poêles à Sourdeval en passant par Saint-Pois ne soit pas considérée comme structurante ?
L’aménagement de la D 911 (Avranches-Sourdeval) concourt au rééquilibrage entre l’Ouest et l’Est du territoire en instaurant les conditions favorables au maintien et/ou à la création d’activités. Bien évidemment, cet aménagement doit-être accompagné d’autres mesures afin qu’il devienne réellement attractif.
Actuellement, de façon parcellaire des initiatives sont prises essentiellement à l’intention des écoliers et des personnes dépendantes. Cependant, il faut bien reconnaître que les transports en commun dans le Sud Manche c’est un peu comme la confiture : moins on n’en a et plus on l’étale.
Le réseau ferré
La question des transports conduit à parler du réseau ferré. À ce sujet, il faut mettre en lumière l’action remarquable menée par des défenseurs du rail comme ceux de l’Association de Défense et de la Promotion de la ligne Caen Rennes (ADPCR) sans lesquels cette ligne aurait sans doute été transformée en chemin de randonnée.
En créant l’autoroute des estuaires, on a voulu répondre à un besoin évident, mais ce besoin justifiait la construction d’une autoroute, mais jamais celle d’une voie ferrée moderne ?
Par comparaison avec l’autoroute des estuaires on peut raisonner à la même échelle en imaginant de relier, par l’intermédiaire du train, un ensemble de grandes villes comme : Lille-Amiens-Rouen-Caen-Rennes-Nantes-Bordeaux.
Cette réalisation comporterait au moins quatre avantages au plan local, régional et national :
- Favoriser le transport des voyageurs venant du Nord et/ou du Sud-ouest transitant par la Normandie.
- Eviter un Paris où le réseau ferré demeure très engorgé.
- Mettre à disposition du public un service assurant l’équilibre du territoire.
- Envisager, notamment, le transport de fruits et légumes entre régions françaises dans de meilleures conditions de qualité et de compétitivité internationale.
Cette idée de l’Arc atlantique n’est pas nouvelle, mais à l’heure où la montée du prix des carburants devient très préoccupante, où l’on mesure les méfaits des pollutions, où l’on affiche une volonté de s’opposer à la désertification du monde rural, où l’on tente de résister à la concurrence internationale cette proposition devrait faire l’objet un examen attentif. Il faudrait pour cela que les régions se mobilisent que l’Etat apporte son aide et que la SNCF appuie la démarche.
Si cette grande réalisation était envisagée concrètement, elle pourrait s’effectuer par tronçon en respectant les règles techniques propres à l’ensemble de la relation. En avançant cette idée, on pense en premier lieu à la réalisation d’un tronçon de Caen à Dol-de-Bretagne en passant par Saint-Lô et Granville.
Il devient vital que le Sud Manche ne soit plus considéré comme un angle mort par la SNCF et les pouvoirs publics.
Infléchir les habitudes
La création de zones pour acheter, se nourrir, contacter l’administration, dormir, vieillir, demander un emploi… est considérée par des économistes comme, rationnelle, pratique et moins onéreuse. Mais, sauf si l’on demeure à proximité de grands ensembles, l’usage de la voiture s’avère indispensable pour accéder à ces zones. En raison de la modicité des transports en commun dans le Sud Manche certaines personnes amoindries ou touchées par la précarité ne peuvent que difficilement bénéficier du système. Le zonage, est donc une conception économique qui va parfois à l’encontre d’une vie harmonieuse accessible à toutes les couches de la population.
Existe-t-il des possibilités pour restreindre les déplacements dans le Sud Manche ?
La Manche constitue l’un des premiers départements pour l’accès au haut débit. Il existe des liaisons avec et sans fil. Ainsi, la majorité des zones situées dans le SudManche sont couvertes. Le matériel utilisé devrait rapidement gagner en puissance et en diversité afin d’apporter le très haut débit dans les zones les plus défavorisées.
Sachant que la quasi-totalité des communes est reliée à Internet, il devient désormais possible d’échanger grâce à ce système aux heures d’ouverture de la Mairie.
La télémédecine par le biais des télécommunications et des technologies permet la prestation de soins de santé à distance et l'échange de l'information médicale s'y rapportant. Si la commune ne possède cette technique, elle pourrait, en tant que besoin, s’appuyer sur les installations des communautés de communes. Il en va de même en ce qui concerne les contacts avec l’ANPE, les services administratifs…
Le Ministère de l’Équipement, des Transports, du Logement, du Tourisme et de la Mer s’est intéressé aux systèmes de portage à domicile.
Il peut également se répandre en zones rurales, car il répond à un besoin et comporte des avantages :
- Faciliter les achats alimentaires
- Mutualiser l’intervention des commerçants et soutenir les commerces de proximité
- Aider les personnes dépendantes
- Réduire la pollution…
Dans le cadre des nouvelles communautés de communes, outre la création de Pôles de Santé Libéraux et Ambulatoires ou de Maisons de Santé, il pourrait s’avérer judicieux de prévoir des annexes ouvertes certains jours où exerceraient certains médecins généralistes. Elles permettraient aux patients de parcourir moins de kilomètres.
En fin de compte, la création ou l’amélioration de ce qui existe déjà c’est également une question de conviction. À cet égard, la question de doter les futurs C.C. d’un centre intercommunal d’action sociale (CIAS) constituerait un pas décisif pour les personnes en difficulté du Sud Manche et la mise en place d’une structure territoriale cohérente.
Conserver la place de l’homme dans la société de demain
Après avoir longuement écouté, l’avocate a dit : « Vous avez entièrement raison ! Vos arguments sont réels, pleins de bon sens et reflètent bien la réalité. Je comprends parfaitement le sens de votre démarche. Seulement, votre argumentation pour juste qu’elle soit n’est pas recevable ! ».
C’est le moment où vous réclamez quelques minutes pour réfléchir avant de poser innocemment la question : « C’est quoi un argument recevable ? ». Réponse : « C’est celui qui résulte de l’application d’une loi, d’un décret, d’un arrêté ou à la rigueur d’une circulaire ». Là, il n’est plus question de raisonner sainement encore moins de faire appel aux sentiments humanitaires. Dans la foulée, votre interlocutrice ajoute : « Cherchez sur legifrance.gouv.fr un ou des articles d’un Code qui pourraient appuyer votre demande, ou si vous le souhaitez je peux faire une étude… ».
Réclamer c’est possible ! Mais tout le monde ne dispose pas des moyens et du temps nécessaire à l’instruction d’un dossier qui risque fort de prendre des mois, voire des années, avant d’aboutir favorablement ou non.
Ce court récit pourrait sembler anecdotique s’il ne témoignait d’une démarche de plus en plus répandue.
Dans des domaines comme la santé ou la sécurité, il est indispensable de respecter les protocoles afin de limiter au maximum les risques d’erreurs. Mais il s’agit de situations très particulières.
Au quotidien, nous vivons avec des êtres qui nous ressemblent, on est donc en droit de s’interroger sur ce que serait l’homme sans son humanité ? Une sorte de robot téléguidé répondant aux questions par logiciel interposé ! Imaginer une société où il faudrait toujours se renseigner avant de mettre un pied devant l’autre peut donner le vague à l’âme.
En attendant, des commissions s’affairent, dont les membres n’ont jamais été élus par le peuple, pour trouver des solutions et prendre des décisions censées s’appliquer à l’ensemble des individus. Et si les dispositions prises par la commission sont contraires à votre intérêt ou si votre cas n’est pas prévu, il faudra attendre, abandonner ou… vous débrouiller.
À l’instar de Molière, disons :
« Il faut des lois pour vivre, mais il ne faut pas "vivre" que par les lois ».
La frontière séparant le droit de la liberté ne peut pas être seulement régie à partir de directives.
Dès lors, la recherche ininterrompue de textes qui rythmeront l’existence d’un peuple est contraire à la démocratie et en fin de compte cette seule solution n’est pas recevable.
C’est sans doute une raison qui fait le "succès " des indispensables médiateurs !
Jean-Paul VOISIN

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire